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  • Photo du rédacteurLe Nuancier Média

Le déterminisme social selon Macron : rejeter la faute sur les défavorisés



Lors de son discours précédant sa conférence de presse, le président de la République a balayé de nombreux sujets, en particulier ses projets en matière d’éducation. Nous le savons tous·te·x·s, il n’y avait rien à attendre de bon de ces annonces. Seulement, j’admets avoir été stupéfait. Je m’attendais à un discours d’un fond abyssal et sans substance. Au lieu de ça, nous avons eu droit à des annonces surprenantes et réactionnaires. Comme mesures surprenantes, il aurait pu évoquer des solutions au manque d’enseignants, au harcèlement, à la ségrégation sociale grandissante… Qu’est-ce que ça nous aurait étonné de lui ! Mais non, ces sujets ne sont que secondaires (un peu de sérieux s’il vous plaît). Il préfère réaffirmer les valeurs de la République. Il est vrai que la liberté, l’égalité et la fraternité sont des valeurs bafouées par ces problèmes « secondaires » de l’enseignement scolaire et qu’il est nécessaire de les prendre à bras-le-corps, au nom de ces valeurs. Mais non enfin ! Il faut voir les valeurs de la République par un prisme conservateur (on avait dit « un peu de sérieux », il faut suivre enfin !)


Nous avons donc eu droit à des promesses pour avoir des enseignants du primaire moins diplômés et mieux rémunérés (encore faudrait-il y croire), une rénovation des programmes, des évaluations à chaque niveau, doubler le nombre de cours d’éducation morale et civique et définir un programme, l’ajout de cours de théâtre au collège et d’histoire de l’art au collège et lycée. 


Sans aller commenter chacune de ces annonces, une autre de ses propositions est revenue sur le tapis : réguler l’usage des écrans pour les mineurs. La raison de cette régularisation : « Il en va de l’avenir de nos sociétés et de nos démocraties ». (rien que ça). Non pas que je sois un défenseur de l’usage des écrans, mais innocent comme je suis, je pensais que l’avenir de nos société et de nos démocraties dépendrait de notre capacité à lutter contre la crise climatique et la résurgence du fascisme – responsable de toutes les discriminations possibles, des guerres et des génocides (chacun ses priorités et ses alliés).


Après cette pluie d’annonces, renouvelées ou inédites, un passage éclaire sur toute la profondeur de la pensée de Macron sur le sujet des inégalités (ne vous inquiétez pas, personne n’aura le vertige.) Selon lui, la première des injustices est le déterminisme social et familial (merci de partager le constat) : « Nous n’avons pas les mêmes chances », « L’avenir des enfants de la République reste encore trop déterminé par le nom de famille,  l’endroit où l’on est né, le milieu auquel on appartient. C’est la pire des injustices ! L’inégalité de départ. La promesse républicaine est celle de l’égalité des chances. » Ce passage est très bien ! Que peut-on lui reprocher ? Simplement la suite de cette tirade : « Je veux qu’on mette fin à cette France du « ceci n’est pas pour moi » ou « ceci n’est pas pour toi ». De ces enfants qui continuent à se dire que, parce qu’ils viennent de tels quartiers ou qu’ils ont ce nom, l’accès à telle formation ou tel diplôme, l’accès à la culture ne leur est pas dû ou n’est pas un droit pour eux. » Et là, illumination ! En ce soir du 16 janvier 2024, après de si longues années à vivre dans l’erreur, j’ai enfin appris ce qu’est le déterminisme social (comme nombre de téléspectateur·ice·x·s je suppose). Merci Monsieur le Président ! Maintenant que la vérité est révélée, que la bonne parole est prêchée, les enfants défavorisés vont entendre le message, se libérer de leurs entraves, les inégalités scolaires vont disparaître et créer une France nouvelle, royaume de l’égalité… Autant pour moi, il s’agissait d’une hallucination collective. Macron n’a évidemment rien révélé sur ce qu’est le déterminisme social, en revanche, il nous éclaire de sa façon de percevoir le déterminisme social. Il partage le même résultat que tout le monde : inégalités dans l’accès aux parcours socialement valorisés. Seulement, au lieu de considérer que les enfants héritent des inégalités sociales subies par leurs familles (capitaux économique, social et culturel selon Bourdieu), Macron imagine que ce sont les enfants qui s’infligent eux-mêmes des barrières psychologiques, les limitant dans leurs choix. Sa vision peut faire rire ou exaspérer (les deux pour ma part) mais elle est surtout inquiétante. Elle est inquiétante car elle n’est pas sans conséquence, elle guide l’action du Président et de ses gouvernements successifs en matière de politiques éducatives et d’égalité. Non seulement, ils ne cherchent pas à réduire les inégalités, mais ils cherchent à les masquer, pensant ou prétextant les faire disparaître. 


L’exemple dans l’actualité est le retour de l’uniforme à l’école. Il est vendu comme une mesure pour renforcer le civisme, mais aussi lutter contre les inégalités sociales. Macron l’a d’ailleurs dit plutôt dans son discours, l’expérimentation du port de l’uniforme va permettre « d’effacer les inégalités familiales ». Jusqu’ici, je percevais ce second argument comme un moyen de se détourner du problème des inégalités. Mais aujourd’hui, j’ai peur. Peur qu’ils soient réellement persuadés du bien-fondé de leur action. Peur que cette vision, à des années-lumière de la recherche scientifique, ne se limite pas à Macron et ses collaborateur·ice·x·s. Peur qu’elle soit sincèrement partagée par l’ensemble de la bourgeoisie. Peur que rien ne change. Peur que nos si belles valeurs républicaines ne restent qu’un lointain mirage.


Liberté, Égalité, Fraternité


Charlie

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