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  • Photo du rédacteurLe Nuancier Média

Moi, Capitaine ou l’épopée vers la forteresse Europe

En salle depuis le 3 janvier, « Moi, Capitaine » est un film à voir par les temps qui courent. À L'heure où les politiques français·es ont pris des décisions significatives sur l'immigration, cette œuvre nous offre un autre point de vue. En effet, elle nous amène à nous questionner sur les visages de celles et ceux qui entreprennent chaque jour le périple vers l’Europe. A travers le parcours de Moussa et Seydou, deux cousins sénégalais de 16 ans rêvant d’une Europe fantasmée, nous sommes plongés dans une réalité qu’on essaie bien souvent d’oublier ou de banaliser par de vulgaires statistiques. Mais derrière ces chiffres, le réalisateur italien Matteo Garrone nous rappelle qu’il y a des visages et des rêves légitimes qui ne doivent pas être invisibilisés. Entre documentaire et fiction, « Moi, Capitaine » tire ses origines d’une rencontre du cinéaste italien avec Fofana Amara, un Guinéen de 15 ans emprisonné dans un centre pour adolescents en Sicile. Celui-ci a été forcé à conduire un bateau en partance de Tripoli avec des centaines de migrant·es à son bord.


Dans un espace géographique qui reste généralement méconnu des européen·nes, Matteo Garrone choisit alors de nous emmener étape par étape jusqu’aux portes de l’Europe en passant par le Sénégal, le Mali, le Niger et la Libye. Le cinéaste dépeint le parcours périlleux de ces deux jeunes hommes, qui, malgré la barbarie des hommes qu’ils rencontrent, continuent de faire preuve de résilience et de croire en l’humanité. Du point de vue de ceux qui vivent cette migration clandestine, nous sommes alors confronté·es à sa cruauté. Entre les exploitants et les bons samaritains, le réalisateur nous révèle au travers de ce périple, les dessous d’un véritable business de l’immigration prospérant sous les yeux de l’Europe.


Au-delà d’exposer cette réalité cinglante, le film arbore un style particulier en s’apparentant à un récit épique. En effet, ce qui peut paraître déroutant à première vue, mais qui se révèle finalement incarner toute la puissance du film est son esthétique. Plongé·es dans une épopée terrible de réalisme par ses jeux d’acteur·ices et ses images poignantes, nous découvrons progressivement des éléments surnaturels apparaître dans le décor. Ce style nous plonge dans un semblant de réalisme magique où la fantasmagorie (le fantastique, le surnaturel) s’incorpore harmonieusement dans la réalité du film. C’est un pari risqué pour Matteo Garrone, mais qui par ce choix évite de tomber dans le pathos (ton pathétique et excessif) en offrant un brin d’onirisme (univers du rêve) plutôt audacieux aux spectateur·ices. Selon moi, cette esthétique singulière créée par le réalisateur fait de ce film une œuvre profondément humaniste tournée vers la réalité des sentiments humains. En effet, il n’a pas choisi deux personnages malades, sans abri ou réfugiés politiques mais deux garçons qui ressemblent aux quantités de jeunes occidentaux ; des adolescents aux rêves plein la tête et qui se donnent les moyens de les réaliser.


A voir et à revoir, ce film est donc non seulement nécessaire car il nous expose à ce que nous ignorons bien souvent ; à savoir la cruauté du parcours pour arriver jusqu’aux portes de l’Europe, mais également car il nous apprend à redonner une dignité à des femmes et à des hommes que le monde souhaite invisibiliser, banaliser et victimiser.


Loreen Rolland






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