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  • Photo du rédacteurLe Nuancier Média

Un jeudi soir sur la terre, 2018


Des feuilles tombantes d’Automne tapissent le sol de la bouche du métro Saint-Anne, accompagnées de quelques mouchoirs et gobelets vides ayant eu une courte existence. Entre ce va-et-vient des passant.e.x.s, se trouvent des gens qui ont élu domicile. Je perçois un visage chauve et tuméfié par la fatigue. Les cartons à proximité semblent être ses seuls biens. Autour de lui, défilent sans le voir un florilège de personnes, d’étudiant.e.x.s, fêtard.e.x.s ou simples riverain.e.x.s.


La rue Saint-Michel, encore appelée ``rue de la soif'', est comme à son habitude. A l’entrée, un groupe de jeunes adultes légèrement éméché.e.x.s entonne « hissons nos couleurs » de Pirate des Caraïbes 3, rejoint par certain.e.x.s passant.e.x.s qui chantent à leurs côtés. Certaines personnes passent sans détourner la tête, le chemin solidement tenu. Les bars sont bondés, on peine à circuler entre les badauds. Quatre personnes stagnent devant une des enseignes. Une fille, manteau gris, collants noirs et sac à main se dispute, visiblement sous le coup de l’alcool.


L’heure passe, les grilles tombent contre les pavés. Les rebords des marches accueillent les frites de kebab et autres gobelets vides. 1h du mat, les débits de boisson ferment leurs portes. Devant l’un d’eux, un homme est en mauvaise posture : il tente de vomir, aidé par son ami qui lui tient les cheveux. Après leur passage, le serveur nettoie les traces grâce à un seau d’eau afin d’évacuer les restes entre les sillons vers les égouts.


La rue commence à se vider, il reste quelques groupes qui se concentrent sur l’après de la soirée. Devant l’Alexis Tavern, un couple se forme comme ce fut le cas pour votre humble narrateur quelque temps plus tôt. Pour ces gens des bars, la soirée se finit place des Lices, le lieu de villégiature pour les fêtard.e.x.s. Ce lieu est célèbre pour son horloge, haute de plusieurs mètres de haut. La tradition exige que ceux qui montent – surtout des hommes – enlèvent leurs vêtements sous l’acclamation et les objectifs de la foule, haranguant la personne qui sape sa dignité par la même occasion.


Au coin d’un muret, un homme vide son corps de ce qu’il a ingurgité auparavant. La place des Lices se peuple des corps, parfois tremblotant, des oiseaux de nuit. Les tessons et les bouteilles se substituent au froid des pavés. La masse humaine est hétérogène, des agrégats de petites bandes. Interloqué par ma présence, un inconnu, pantalon beige et veste bleue, vient à ma rencontre. Par surprise, j’apprends que nous avons le même prénom. Il me dit qu’il vient ici pour « la grosse soirée », la « grosse ambiance ». Le rappel de ses ami.e.x.s m’empêche de poursuivre l’interaction.


Mes yeux se baladent aux alentours, saisissant le spectacle nocturne. Un homme affabulé d’une doudoune bleue consistante se fraye un chemin avec un vélo à double sacoche. Les heures passent, les lices se dépeuplent. Ma présence suscite la curiosité des quidams. Parmi eux, Matao, ensemble veste et pantalon de jean, cheveux frisés, lunettes au nez. Cet étudiant en Lettres est admiratif que j’écrive. Lui-même aime « écrire à un moment où tu ne devrais pas écrire » au balcon de son appart. Client régulier des soirées, la préoccupation est de trouver de la beuh. Il est rapidement rejoint par son ami, écrivain, béret sur la tête, chemise foncé. Lui vient « occasionnellement ».


Peu après, trois personnes s’ajoutent à notre compagnie. Deux filles et un homme plus âgé. Ce dernier nous conte ses pérégrinations. Après treize ans de vie commune, il se sépare de sa copine. Il habite deux mois à Montpellier où il refait sa vie. Sur un coup de tête, il fonce à Barcelone et y réside trois mois. Voulant rejoindre des amis en Suisse, il prend le train direction Lyon. Hélas, on lui a dérobé ses valises et sacs. Cela contraste avec les deux filles venues profiter de Rennes durant trois jours. Nous décidons de nous rendre dans le Bar’Hic pour poursuivre la soirée. À l’entrée, un videur nous refoule. Notre acolyte aurait volé, deux jours auparavant, au H&M. Le troquet adjacent, plus huppé, refuse qu’on entre, le camarade n’est pas assez bien habillé. Les portes se referment une troisième fois devant nos mines désabusées. Un videur nous explique que notre compagnon est connu dans le secteur pour quémander, plutôt violemment, des verres aux terrasses.


Dès lors, nous le remercions à notre tour et retournons au Bar’Hic. Dans ce pub, les murs en bois sont annotés de cours écrits, de numéros de téléphone, de mots épars. Au fond de la salle se dresse une légère estrade faisant office de piste de danse pour la musique électro. Des tonneaux s’ajoutent aux tables pour le bonheur des consommateurs.ices.x.s. Une des filles, piercing au nez, cheveux blonds, robe et talons noirs, me paye un jus de pomme. Je la soupçonne d’ailleurs de me draguer. Si Rennes est une grande ville, le cœur nocturne est petit. Je retrouve des connaissances d’anciennes soirées. Eloïse, blonde aux yeux bleus et Mathias, cheveux noirs, visage avenant. Il se décrit comme un flagorneur, soit un homme séduisant les femmes dans la rue par des jolis mots. Après la fermeture, je pris avec Éloïse la direction de République afin de rentrer en bus. Après avoir débattu de la légitimité de la grève de Rennes 2 et de l’intervention policière, nous nous quittâmes.



Aymeric Favrel

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